Mardi 2 avril Nous sommes restés à La Corogne. Je suis arrivé la veille à 22h30 sans mon sac. A Orly mon sac a été mis en soute, l’avion parti en retard est arrivé à Barcelone à l’heure où celui pour la Corogne partait...Mon sac n’est arrivé que mardi à 14h. J'étais vert de rage. J'avais été à Paris durant le week-end, à la librairie Outremer, acheter les cartes manquantes jusqu'à Gibraltar et le guide Imray pour la côte Ouest de la péninsule. J'en ai profité pour acheter la suite, Nord Afrique et Iles de l'Atlantique ;-).

Bref, cette escale forcée m’aura au moins permis d’aller acheter l’accastillage manquant pour gréer le spi. Il manquait le hale bas et les barber. Leur installation en cherchant les meilleurs angles de tirs ma occupé la fin de l’après midi.

Mercredi 3 avril : La Corogne / Muxia (Ria de Camarinas) 49 milles Départ 10h30 après la douche, le paiement de la capitainerie et le plein de gas-oil. 11h30 sortie de la Ria de la Coruna, peu de vent et pluie, encore… Cap au 270 sous moteur et GV.

Tour d'Hercule, La Coruna Tour_d_Hercule_La_Corogne.jpg 11h50, les pavillons fixés sur le pataras se réveillent, joie. Nous sommes vent arrière, je sors le génois, le tangonne en ciseau, 6 nœuds sous voiles. Je ne suis pas confiant en le vent et la houle et préfère différer mon premier envoi de spi sur mon bateau. 12h55, 4,5 nœuds, moteur en appui…

J'ai renoncé à me faire mouiller, je me réfugie sous la capote 20130403_143029.jpg

13h45 obligé de rentrer le génois faute de vent, nous avons navigué au moteur jusqu’à notre escale. A 15h, Laurent me voit somnoler dans le cockpit et m’invite à aller dormir. Super, merci. Non seulement envie de dormir, mais de m’extraire de cette navigation sans intérêt, au moteur, dans le gris et la pluie, terrer sous la capote d'où en sortir pour veiller les bateaux de pêcheurs et les casiers est une véritable corvée. 1h30 de gros sommeil plus tard je retrouve Laurent au poste de veille près de la barre dégoulinant de pluie mais en forme, sous moteur Rantanplan s’occupe du cap. J’ai pris le relais en pleine forme, nous obliquons vers le sud, cap 235°. 19h40 amarrage Port de Muxia dans le Ria de Camarinas. Arrivée intéressante avec plusieurs relèvements pour éviter des hauts fonds non balisés, afin de valider les infos de la cartographie. C'est plus fort que moi, même si c'est super pratique et fiable, j'ai besoin de vérifier que le bateau est bien là où le situe le GPS. Super soirée au sec, bien protégés. L’architecture est sans intérêt, ce port de pêche a été complété en 2005 par un môle pour l’encadrer de toutes parts, des pontons ont été installés pour une soixantaine de bateaux de plaisance. Il y a une vingtaine de petits bateaux à moteur, un vieux voilier fifty dont la coque est couverte d’algues et nous. Super escale à l’opposer des marinas modernes que je suis heureux de retrouver uniquement pour les douches et le wifi.

Cabo Vilano Ria de Camarinas Cabo_Vilano_Ria_de_Camarinas.jpg

Port de Muxia Port_de_Muxia.jpg



Jeudi 04 avril: Muxia / Sanxenso 74 milles Nous passons et le Cabo Finisterre.

Le temps est nuageux mais semble décidé à nous laisser sec aujourd'hui. Dommage cela ne durera pas... Départ à 9h pour une belle journée de voile au portant sous une vingtaine de noeuds de vent et une belle houle de 1 à 2 mètres. Nous avons commencé sous GV haute et génois. Vers 10H après avoir passé le Cabo Torinana, nous empannons, cap 180°. Nous avons enroulé le génois car le vent montait, il devenait trop pénible à gérer dans les rafales.

VIDEO YOUTUBE: Surfs vers le Cabo Finisterre (voir rubrique liens, vidéos SABELAURE)

Vers midi nous avons pris un ris et avons géré les variations de vent au travers toute la fin de journée en déroulant plus ou moins le génois.

14h30 Nous passons le Cabo Finisterre! Cabo_Finisterre.jpg

18h00 Je suis tombé à l'eau, une première pour moi. L'ancre était sortie du davier et tapait dans la coque. Je me suis mis à la cape pour la ranger dans la baille à mouillage en arrivant à l'avant je me suis appuyé sur la filière qui a lâché, je me suis retrouvé à l'eau avec les deux filières à la main. J'ai longé le bateau en m'agrippant à l'écoute de spi qui longeait le rail de fargue et suis remonté par l'échelle de bain. J'ai fait une belle frayeur à Laurent, j'étais son premier homme à la mer. Bref, j'ai rangé l'ancre et fait une filière de fortune avec l'écoute de spi. Les enseignements du jour: Je ne toucherais plus aux filières, dés que ça m'arrive encore je retire ma main comme si c'était une clôture électrique pour le bétail. Même à la cape, quand la mer est mauvaise je m'attache. L'ancre restera désormais dans la baille à mouillage, coincée par un pare bate sous le couvercle de la baille, lui même assuré par un boute frappé entre les deux taquets avants. Mon gilet de sauvetage ne s'est pas gonflé. C'est un gilet hauturier, j'ai appris depuis qu'il fallait qu'il soit immergé plus longtemps et avec d'avantage de pression. Comme je n'avais pas lâcher la filière mes épaules n'ont fait qu'une brève incursion dans l'eau.

19h45 Nous entrons dans la Ria de Pontevedra sous GV seule et moteur. 21h30 Amarrage au ponton d'accueil de la marina de Sanxenso.

Pêcheurs préparant leurs filets à Sanxenso Pecheurs_a_Sanxenso.jpg Plage_de_Sanxenso.jpg

Vendredi 05 avril: Sanxenso / Povoa de Varzin. Nous quittons la Galice et entrons au Portugal 60 milles

Départ à 12h45 pour une super journée qui commence par la sortie de la Ria de Pontevedra pour rejoindre la Ria de Vigo en longeant les Iles Cies. Un vrai paradis, sous voiles, aux allures portantes, avec un soleil éclatant, certes froid, mais présent! Vraiment une zone de navigation magnifique où l'on pourrait facilement y rester 2 semaines en alternant des journées de cabotage avec des visites à terre. Ria de Pontevedra Ria_de_Pontevedra_1.jpg Ria_de_Pontevedra_2.jpg

Ria de Vigo Ria_de_Vigo_1.jpg Ria_de_Vigo_2.jpg Ria_de_Vigo_3.jpg

Nous sommes sortis de la Ria de Vigo entre 15h et 17h sous une jolie brise qui nous poussait à 6 noeuds au grand largue, nous n'osions pas y croire. Vers 17h, cap au 175°, vent arrière, génois tangoné, houle qui nous offre de jolis surfs, un courant portant d'au moins un noeud et tout ça au sec! Extraits du journal de bord: "18h15 nous sommes au Portugal depuis 3,5 milles. Vitesse fond 8 noeuds". "19h05, 41°40,59 N 8°54,9 W GV + Gen tangoné, forte houle, vitesse surface 7,5 nds de moyenne, fond 9 noeuds, cap 180°" Banzaï vers le Sud!!!

VIDEO YOUTUBE: En ciseau, génois tangoné, Portugal (voir rubrique liens, vidéos SABELAURE)

Le rêve continue, jusqu'à 22h15, amarrage Pavoa de Varzin.

MISE AU POINT: Bon, pour ceux qui suivent, il est temps que j'avoue qu'il y avait plus d'acteurs que ceux j'ai cité jusqu'à maintenant. Outre SABELAURE dit Joly Jumper, Rantanplan le pilote automatique, il y a les "2 connauds" (gentils cons) Laurent et Moi, et Eole et Neptune. Depuis un bon bout de temps maintenant nous avons bien compris que nous, les 2 connauds, étions la distraction favorite d'Eole et Neptune, particulièrement lorsqu'ils étaient à l'apéro. Nous ne pouvons pas leur en vouloir, nous n'avons pas vu plus de 10 voiliers sur notre trajet depuis Granville (dans un sens ou l'autre). De tous nous étions le plus petit avec le plus petit équipage, il est clair que 2 tels connauds représentaient une aubaine pour les 2 vieux compères régissant nos éléments. Non, nous n'avons pas perdu la raison, nous avons plein d'exemples. Pourquoi avons nous eu le vent et la houle dans le nez depuis le début, en veillant à nous supprimer les 20° adonnants prévus dans les bulletins météo. Pour quelle raison lorsque la force du vent correspondant aux prévisions météo était bien établie, les voiles adaptées installées, le vent nous fait des fantaisie, nous obligeant soit à réduire soit à sortir de la toile, juste une heure pour nous faire bosser, puis reprendre le régime précédent et nous faire bosser à nouveau après une nouvelle heure de doute. Si possible sous la pluie avec des cargos et bateaux de pêcheurs autours, histoire de bien de nous pourrir les manoeuvres de pont et nous coller le stress. Pourquoi avons nous rencontré des courants qui n'étaient pas dans le bons sens et pas à la bonne heure. La meilleure preuve: Pourquoi avons nous pris tant de claques au moment où nous rapprochions de la côte pour nos escales, dès que nous franchissions la ligne de sonde des 30 mètres, un petit surplus instantané de 10 noeuds de vents, histoire de bien lever la houle sur ces côtes malfamées peuplées de hauts fonds. Et avec le froid de canard qu'il a fait il ne pouvait s'agir de thermique. Entre 19 et 21H, vous n'allez tout de même pas nier que ce n'était pas pour agrémenter l'apéro d'Eole et Neptune. Je pense qu'ils en ont mal aux cuisses de fous rires de voir les 2 connauds se faire secouer ainsi. Donc voilà, ne soyez pas surpris si je parle des 2 connauds et de ces dieux.

Dernière anecdote avant de reprendre le cours de notre nav. Arrivés à Lekeitio après notre bout de traversée du Golfe de Gascogne, où nous en avons un peu bavé, j'ai eu la mauvaise idée de faire un bras d'honneur à ce sacré Golfe. Je l'ai gravement regretté après, il m'a rappelé que nous étions chez lui jusqu'au Cabo Finisterre... Au fil des jours, peu à peu nous avons appris à ne plus jurer sur les éléments de peur de les énerver, ne plus se réjouir à l'avance d'un bulletin météo favorable... On sait maintenant pourquoi les marins sont traditionnellement superstitieux.

Samedi 6 avril: Pavoa de Varzin / Aveiro 46 milles

Journée cool, départ 11h50, vent faible, allures portantes, GV génois moteur en appui pour atteindre les 5,5 noeuds, sous le soleil, toujours pas chaud, mais sec. Et ben c'était super chouette. Vers 16h00, mon premier envoi de spi, le bonheur. Nous n'avons pu le tenir qu'une demi heure, nous étions trop travers au vent, il aurait fallu un assy. Vers_Aveiro_sous_spi.jpg

VIDEO YOUTUBE: Premier envoi de spi (voir rubrique liens, vidéos SABELAURE)



Entrée dans la baie d'Aveiro vers 19h00, mouillage Baia de San Jacinto à 19h45. Fastoche! Aveiro Aveiro_1.jpg Aveiro_3.jpg Aveiro_3.jpg

Dimanche 7 avril: Aveiro / Figuera de Foz 35 milles

Les 2 connauds ont cru au Père Noël. Nous pensions être dans les alizés portugais, le vent, la houle et le courant nous portant jusqu'au Cabo San Vicente... Et ben non, il fallait bien que les deux autres là haut occupent leur dimanche. Tout pile sur notre route, pré serré, GV génois, puis solent sur un bord nous éloignant vers le large, puis moteur en appui des voiles sur l'autre bord pour ne pas rejoindre la côte trop tôt. Bref 9h30 pour faire 35 milles et amarrer à Figuera de Foz sous la pluie. No comment. Chut, nous acceptons notre peine... Cabo Mondego, Figuera de Foz Cabo_Mondego_Figuera_de_Foz.jpg

Lundi 8 avril: Figuera de Foz / Nazare 35 milles

Moteur GV face au vent de 11h40 à 20h00 où nous avons amarré le bateau. Au moins il faisait sec et la houle n'était pas trop méchante. Pontal de Nazare Pontal_de_Nazare.jpg

Mardi 9 avril: Nazare / Cascais 67 milles Départ 9h20. Sensiblement la même journée que la veille, le vent et la houle de face, la pluie en plus. Une bonne partie sous GV et moteur au près serré entre 4 et 5 noeuds, une heure sous voiles seules, puis GV génois avec appui moteur, le courant nous portant entre 5 et 6 noeuds. J'affine la veille sous capote... 20130409_210015.jpg Cabo da Rosa (Peniche) Cabo_da_Rosa.jpg Amarrage trempés à 23h00 au ponton d'accueil à Cascais où nous sommes accueilli par un super marineiro, accueillant, efficace, qui nous autorise à rester là pour la nuit. Un vrai bonheur, qui donne une note réconfortante à cette journée.

Mercredi 10 avril: Cascais / Sines 54 milles

Cascais est un port situé à l'entrée de la baie de Lisbonne, avant l'estuaire du Taje. L'accueil à la capitainerie a été aussi fantastique que la veille, la dame qui a effectué les formalités nous a même offert une bouteille de vin. Tout ça pour 11,25€ la nuit, 125€ pour un mois à cette saison. Les ports que nous avons côtoyé au Portugal offrait tous un excellent accueil, grand confort et des prix inférieurs à 12€. Le seul soucis est qu'il y en a peu et qu'ils ne sont pas approchables dès que les vents sont assez fort pour lever la houle. Bref, après cette escale réconfortante et un peu de retard pris pour faire le plein de gas-oil, nous sommes partis à 12h15 sous GV 1 ris et solent en plein milieu d'une régate de petit voiliers avec 3 équipiers, à priori d'un niveau important, de nombreux photographes et quelques caméramans étaient présents. Ils étaient en phase de préparation lorsque nous sommes passés au milieu de la flotte. Bon ils remontent mieux au près que nous, mais nous allions plus vite, na! Tous sympas, malgré leur concentration pendant leur préparation, tous ceux que nous avons croisé nous ont salué.

20130410_122933.jpg

Nous avons essayé de tirer un long bord au plus près de notre route, erreur... nous nous sommes retrouvés sur des hauts fonds à moins de 10 mètres où la houle s'est mise à rouler méchamment, pour la première fois j'ai vu Laurent inquiet, il craignait des déferlantes. Enroulement du génois au pas de charge, moteur et cap au large pour retrouver du fond au plus vite. Ensuite encore une journée face au vent au moteur sous GV nous avons pu dérouler le génois au bon plein à 19h30 seulement, avec appui moteur, et pluie... Passage du Cabo Espichel vers 16h30, amarrage à Sines à 23h00. Drôle de port mal éclairé avec une cardinale de la taille d'une petite bouée de chenal dans le milieu et un passage étroit pour rejoindre les pontons. Du fil nylon a été fixé entre les taquets pour éviter que les goélands ne s'y posent et souillent les pontons. Mauvaise surprise quand on saute du bateau de nuit pour frapper les amarres...



Jeudi 11 avril: Sines / Enseada da Baleeira 60 milles

Nous sommes partis à 15h15. Nous commencions à être court en avitaillement et Laurent ne parvenait pas à acheter son billet d'avion pour le retour. De plus nous avions marre d'avoir le vent de face, il était prévu qu'il tourne en milieu de journée. La ville était à deux kilomètres du port, environ 200 mètres plus haut avec un chantier de voirie en cours de route. Elle s'est fait désirée, mais cela en valait la peine, très jolie. L'avitaillement est parfois une rude épreuve Avitaillement.jpg

Sines Sines_1.jpg Sines_2.jpg Sines_3.jpg Sines_4.jpg

Le vent était faible ce jour là et tournait. Pour un cap continu au 190°, nous avons commencé au près, puis bon plein, travers, grand largue pour finir arrière fausse panne. Nous avons pu tenir le génois jusqu'au vent arrière, avec la houle je n'arrivais pas à maintenir le génois en ciseau, hors de question de mettre le tangon à 23h30. Encore une journée complète avec appui moteur. 2h15, mouillage dans l'Enseada da Baleeira, juste après le Cabo San Vicente et la Ponta de Sagres. Nous avons passé le Cabo Saao Vicente à 0h45. Ce cap est l'extrême pointe Sud Ouest du Portugal. Coucher de soleil sur la route du Cabo San Vicente Coucher_de_soleil_vers_le_Cabo_San_Vicente.jpg

Ilhotes do Martinhnal, Enseada da Baleeira Ilhotes_do_Martihnal_Enseada_da_Baleeira.jpg

Vendredi 12 avril: Enseada da Baleeira / Faro 53 milles

11h15, on lève l'ancre, un petit bord pour prendre des photos de la pointe et du cap. San Vicente c'est quand même quelque chose! Ponta Sagres et Cabo San Vicente Ponta_Sagres_et_Cabo_de_Saao_Vicente.jpg Cap 100°, fini le cap au Sud. Encore peu de vent, travers puis largue, au moteur sur mer calme, 0,5 à 1 noeud de courant portant, le soleil est de plus en plus chaud, super visibilité, pas de pêcheurs ni de cargos, il n'y plus de casiers à surveiller. Pilote automatique, tee shirt, tong, vautré sur la banquette la tête calée sur un pare bate. C'est donc ça le Sud?

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Bon sang que c'est bon, depuis le temps qu'on l'attend, tant pis si on vogue au moteur. Tout les hublots sont ouverts pour chasser l'humidité qui ne nous lâche pas depuis notre départ. 20h00, mouillage dans l'anse du Cabo de Santa Maria, à l'extérieur de la digue qui protège l'embouchure des canaux de Faro et de Olhaao. Nous avons prévu de repartir dans la nuit, les vents sont favorables et cela ne va pas durer. Pres_de_Faro.jpg

Samedi 13 avril: Faro / Cadiz 88 milles

Nous levons l'ancre à 1h10, après une petite nuit pourrie ballottés par la houle certes faible, mais de travers, avec ce bon sang de clapot qui rend invivable la cabine arrière où j'habite. Laurent est dans la carré, la cabine avant est occupée par le spi, le solent quand il n'est pas à poste et nos sacs. L'objectif est d'aller à Chipiona à 70 milles de là, soit une arrivée envisageable vers 15h00. Le vent est pile comme prévu sur les US Grib que Laurent a téléchargé, Nord/Nord Est. Il est prévu qu'il tourne progressivement Sud Est durant la journée et faiblisse. Nous démarrons sous GV et Gênois au travers avec un léger appui moteur pour tenir les 6 noeuds. A 2h30 le vent à un peu forci, je peux enfin couper le moteur, travers/ bon plein, 5 noeuds surface, 5,5 au fond. Une navigation de nuit de rêve! La nuit est claire, calme, fraîche comme il faut, juste la brise idéale. Au cap le mat est parfaitement parallèle avec une diagonale de 3 étoiles plus 2 autres plus bas, plus besoin de compas. Je n'ai qu'une envie, couper les feux de navigations, tous les instruments, la VHF et tous les voyants qui génèrent la moindre lumière dans le carré. La raison a su me garder, mais plus tard quand je naviguerai très loin des côtes je ne gâcherai pas ces nuits là... Vers 3h, une petite inquiétude, un bruit inhabituel dans l'eau juste à l'angle arrière gauche du bateau. Inquiétude levée 3 secondes plus tard quand je vois les ailerons puis le dos de 2 gros dauphins le long du bateau. Ils ont fait deux passages autour du bateau puis ont repris leur route. Le jour ils font le même bruit, on tourne la tête pour définir l'origine sans angoisse, la nuit cette période de doute est étrange. 4h, bon plein, le vent monte et tourne doucement, le bateau glisse maintenant à 6 noeuds. Laurent dors bien, il n'a pas mis de réveil pour sa prise de quart, je ne le réveille pas et continue à savourer égoïstement ce bonheur jusqu'à 5h. J'ai très peu dormi jusqu'à notre arrivée, trop heureux d'avoir de telles conditions de navigation. Levé de soleil au milieu du Golfe de Cadix, à 30 milles des côtes Lever_de_soleil_au_milieu_de_la_Baie_Cadiz.jpg Le vent se comporte exactement comme prévu, vers 13h00 nous sommes au prés avec appui moteur, si nous gardons ce cap nous allons encore finir notre nav face au vent et sommes assuré de l'avoir dans le même sens le lendemain. Abattre et changer l'objectif d'escale augmente la route de 18 milles, mais il fait beau et chaud et malgré le peu de sommeil ces dernières 36h je me sens en forme pour assurer jusqu'au bout. Je trouve vraiment dommage de gâcher ce vent. Je fais part de cette réflexion à Laurent qui m'avoue y réfléchir lui aussi depuis un petit moment. On commence à devenir un vieux couple avec Laurent, chacun gamberge dans son coin et attend que l'autre ose proposer de bouleverser le programme. Zou, à 14h00 plus 25° au cap, direction Cadix. Bien nous a pris d'agir ainsi, cela aura été une de nos plus belle journée de navigation A 18h00, amarrage au ponton d'accueil à Cadix, même pas fatigués tant nous étions heureux d'être là en short et tee-shirt. Vers 20h un espagnol est venu nous saluer dans un excellent français. Il nous a vu arrivé, le drapeau lui était sympathique, celui à l'Hermine l'a décidé à venir nous voir. Manuel. Il avait fait un stage aux Glénans à Concarneau 2 semaines plus tôt, il rêvait de naviguer en Bretagne dans cette école dont une telle réputation en Espagne nous a surpris. Nous avons discuté un bon quart d'heure, il voulait que nous allions prendre une bière à son bord, nous avions envie de manger et de dormir. Dans la conversation il nous a dit, Gibraltar par vent d'Est, ce n'est pas facile... Arrivée sur Cadix arrivee_Cadix_1.jpg Arrivee_Cadix_2.jpg



Dimanche 14 avril: La bataille de Trafalgar 35 milles

11h15, nous quittons le port. Le programme est limpide, 35 à 40 milles pour aller à Barbate, lundi nous passerons Gibraltar à l'étal de pleine mer, mardi nous serons à Malaga. Les fichiers Grib indiquent que les vents seront Sud Sud Est mollissant, Météo-consult confirme la tendance. Nous n'envisageons pas de difficulté outre le fait d'être condamné à naviguer 3 jours face au vent au moteur... Manuel est sur le pont de son bateau lorsque nous partons, nous nous souhaitons bon vent et "Hasta luego!" Les connauds ont négligé que c'était bientôt l'heure de l'apéro par une belle journée d'été et que les très chers Eole et Neptune allait devoir occuper leur dimanche. Les connauds étaient un peu méfiant quand même. La veille ils avaient fini leur navigation avec appui moteur car le vent avait faibli comme prévu, mais vers 20h ils se sont dépêcher de rejoindre leur place au ponton visiteur, le vent avait sérieusement forci et à continuer crescendo jusqu'à 4h du matin pour atteindre environ 30 noeuds puis plus rien à 9h . Rien compris à l'histoire, pas prévu sur les gribs et bulletins météo ni de mention de vents particulier dans ce coin là sur le guide Imray. Hésitation quand à la toile à envoyer, on prend juste un ris et laissons l'étai largable avec le solent plié, frappés au pied du hauban tribord. Dans le chenal de Cadix, au travers sous GV seule, les bizarreries commencent. Une claque à 25 noeuds pendant 2 minutes puis pétole pendant 10 minutes. A la 3° semonce, pas d'hésitation j'installe le solent, hors de question de me prendre des baffes comme ça sous génois. Si le vent molli comme prévu il sera toujours temps d'envoyer plus de toile. Forcément avec des coups de vent pareil sur des fonds à 20 mètres la houle se fait un plaisir de dresser les épaules, nous mettons de l'Ouest dans notre cap pour aller chercher les fonds de 50 mètres. J'aperçois deux bateaux derrière nous, un qui fait demi tour à 2 milles du port et le deuxième à 2 ou 3 milles derrière nous qui semble nous suivre. Pendant une mise à la cape, pour retendre les écoutes de spi et de barber le long du rail de fargue pour que les poulies arrêtent de taper contre la coque à chaque méchante vague, je vois notre poursuivant nous rattraper, à la peine, couché à chaque rafale. Je le vois réduire son génois au fur et à mesure. Nous reprenons notre route, GV 1 ris, Solent au bon plein entre les claques, près bien serré pendant les rafales pour ne pas se faire coucher, jusqu'à 33 noeuds en apparent, nous avançons à 5 noeuds et distançons bien vite notre poursuivant qui fera demi tour un quart d'heure plus tard. Cocorico!!! Dès les 50 mètres de fond atteinds, la houle est un peu moins méchante, prés serré. Dès que le bateau arrive à 5 noeuds une vague fait taper le bateau pour nous ramener à 3,5 noeuds, quand elles ne sont pas en couples pour nous faire passer sous les 3 noeuds. Au bout d'un quart d'heure, à contre coeur, je renonce et met le moteur. Au plus près du vent pour ne pas perdre de cap, et éviter de prendre trop brutalement les vagues, mais suffisamment pour faire porter le solent et ne pas prendre trop gîte pour épargner le moteur. La barre d'une main (conditions too much pour Rantanplan), l'écoute de GV de l'autre pour réguler les rafales. 5 noeuds en moyenne en surface, 3,5 noeuds au fond, le moteur à 2500 tours, pas moyen de faire mieux dans cette lessiveuse. C'était sportif mais j'étais bien, cela allait bien finir par mollir, c'était prévu... Vers 16h00, cela ne semblait pas se calmer, au lieu de mollir le vent forcissait, pas les rafales c'était déjà ça. De plus en plus de vagues avaient le "sourire Ultra Brite". A ce train là nous en avions encore pour deux heure avant de virer de bord, il faut contourner des hauts fonds autour du Cabo Trafalgar. Nous serions travers au vent et à la houle, l'entrée du port est pile dans l'axe de tout ça et il n'y a guère que le chenal d'entrée qui soit à 8 mètres de fond, le reste est entre 2 à 3 mètre. Ce bord serait d'environ 25 milles, soit une arrivée au mieux vers minuit. Ajoutant à cela le coup de vent inexpliqué de la nuit précédente, le voilier croisé une heure plus tôt, au moteur, sec de toile alors que lui était au portant avec la houle dans le bon sens, le doute commençait à s'installer sérieusement entre mes deux oreilles. Voyant que Laurent est réveillé je lui expose mes réflexions. Il se lève, met le nez dehors et me dit: "Mets toi à la cape, je n'imaginais pas que la mer était aussi forte, il faut que l'on cause". 5 minutes d'échanges, digérer que si c'était comme ça ici alors que les bulletins météo n'auguraient rien de tel nous imaginions difficilement la suite. Continuer promettait une vraie galère voire de vrais dangers pour atteindre notre escale où nous serions scotchés, inenvisageable d'attaquer Gibralatar le lendemain. Barbate est loin de tout, la désolation, prendre des risques pour ça est sans intérêt. Demi tour, nous ne passerons Gibraltar cette fois-ci... "Je l'avais raide, plutôt amer..." (Gainsbourg). Je suis muet pendant une heure sur le retour. Nous sommes vent arrière, le génois a du mal à porter, entre 5,5 et 6 noeuds surface, 8 noeuds fonds, mais la vitesse surface ne nous permet pas de prendre les surfs. Une demi heure le plus tard le vent se met à mollir. Je met le moteur, pas envie de me faire dodeliner par les vagues même si la vitesse fond est plus que satisfaisante, et qu'il fait beau; rentrer, amarrer le bateau et boire une bière! Les maximes de Louis et Laurent tournaient en boucle. Louis un moniteur Glénans d'une grande expérience qui m'est cher: "Le dur métier rentre". Laurent: "La mer est dure", "le pire n'est jamais décevant". Pour la première fois depuis notre départ Laurent découvre le sale gosse, ça l'amuse. Il a raison, je devrais avoir passer l'âge depuis longtemps d'être bougon quand cela ne roule pas comme je veux, mais... Sorry, la pastille a du mal à passer, échouer si près du but. Désolé vous aurez droit à une part du florilège d'âneries qui m'est venu pour me décontracter: - Faisant référence à la houle qui à tant taper mon bateau: "Je connaissais une forme plus douce de la branlette espagnole". - Pour cette météo sortie de je ne sais où: "Vu comme je me suis fais mettre chez les espagnols, je n'irai jamais en Grèce!" - Pour l'échec:" J'ai une soudaine sympathie pour Napoléon, vive la gare d'Austerlitz, à bas Trafalgar square!". - Pour le dimanche de rigolade d'Eole et Neptune: "Bonheur à vous, nous avons fait allégeance depuis longtemps. Heureux de vous avoir amusés en ce beau dimanche" en me prosternant au fond du cockpit. (faut faire gaffe avec eux, toujours être poli et reconnaissant, ils sont capable du pire. Je prend un gros risque à me dévoiler ici; j'espère qu'il n'ont pas internet ;-) ). A 6 milles de la cardinale Ouest avant le chenal de Cadix, j'ai décidé d'envoyer le spi pour rentrer glorieusement. Le temps de ramener le solent au pied du hauban, à 9 noeuds sur le fond, nous n'étions plus qu'à 3 milles de cette cardinale. Le spi restera dans son sac, l'énergie dépensée m'a calmé. Le soir même et le lendemain matin nous avons télécharger à nouveaux les Grib, consulter Météo Consult et cette fois chercher la météo espagnole. Elle seule était fiable. Nous avons eu raison de faire demi tour. Lors de notre brain storming à la cape Laurent m'a rappelé les paroles de Manuel: "Par vent d'Est Gibraltar, ce n'est pas facile". Lorsque Manuel a vu notre bateau revenu à sa place le lendemain, il est à nouveau venu nous saluer. Nous avons bien sur raconter notre nav et il nous a rappelé ses propos sur les vents d'Est et Gibraltar, en ajoutant que même par Ouest un peu trop fort c'était compliqué. Et aussi que le rapport de force du vent entre Cadix et Gibraltar est de un à quatre, que les courants à Gibraltar pouvait être opposés à 50 mètres d'intervalle. Ce qu'il nous a relaté ensuite nous a fait chaud au coeur, il a dit à sa femme le soir de notre première rencontre: "Ce sont des français, ils partiront, et peut être même qu'ils y arriveront." Merci Manuel. Il savait lorsque nous sommes partis que nous allions en bavé et probablement faire demi tour. Il ne nous a pas dissuadé de partir et il est revenu nous voir aussi gentiment que le premier soir. Ses paroles font désormais parties des plus beaux galons acquis dans mon apprentissage du "dur métier".

Bref à 19h30 le bateau est amarré au ponton accueil où nous resterons la nuit. Comme la veille le vent est monté le soir, moins fort, mais assez pour nous pourrir gravement la vie si nous avions du déplacer le bateau.

Lundi 15 avril: Rien!

Nous avions réservé nos billets Malaga/Paris pour le jeudi, lors de l'escale à Sines. Nous avions donc 3 jours pour ranger le bateau et aller à Malaga. Laurent, comme moi, avons certains matins eus le sentiment "d'aller à l'usine" quand le réveil sonnait. Ce matin là, le vide, plus d'objectif, du temps et du beau temps. Nous nous sommes levés tard et avons lentement, désarmer tout l'accastillage possible, essayer de voir si le mois d'escale aurait été moins coûteux dans la marina à côté (pas trouver de contact et une galère pour les accès), déplacer le bateau à sa place pour le mois à venir puis fait la sieste. J'ai conclu par un tour rapide en ville pour trouver des cigarettes.

Mardi 16 avril: Hivernage et balade

Il était temps de s'occuper du bateau. Tous les coussins dehors, les voiles, sacs de couchages... sous ce bon soleil purificateur. Nous avons nettoyé le bateau des fonds aux vaigrages du plafond, il a été aéré toute la journée. Il n'a pas volé d'être dorloté ainsi. Grand nettoyage Grand_nettoyage.jpg

Manuel est venu dans la journée, il était revenu sur son bateau car c'était jour férié le lendemain. Il nous a offert son hospitalité pour visiter Cadix... Vraiment sympa cet homme là. Rendez vous était pris pour 18h. Il est arrivé avec 3 bières, nous avons papoté et ils nous a fait faire le tour de Cadix en voiture, emmener dans un petit restaurant où il a ses habitudes... Magnifique soirée. Manuel est un type très chouette, nous avons un ami à Cadix, il en a deux en France. Laurent, Manuel, Philippe Laurent__Manuel__Phil.jpg La vie est belle La_vie_est_belle.jpg Plage à Cadix Plage_a_Gladix.jpg Vue de Cadix Vue_de_Cadix.jpg




Mercredi 17 avril: Cadix / Malaga sur 4 roues

Sur les conseils de mon ami Jacques qui avait déjà sillonné ce coin là en moto, nous avons abandonné l'idée d'aller à Malaga en train (presque la journée, un changement à Séville...), et avons loué une voiture. Notre auto, moins performante que SABELAURE au vent arrière en ciseau, mais au près rien à lui reprocher :-) 20130417_125216.jpg

Traversée de l'Andalousie, paysages fantastiques, resto sympa ombragé dans le centre d'Ubrique, super hôtel trouvé par hasard dans les hauteurs de Malaga avec un chouette resto, Paella noire (au poisson à l'encre), voiture déposée à l'aéroport le lendemain matin juste avant l'embarquement... Atterrissage idéal! Merci Jacques. Andalousie Andalousie_1.jpg Andalousie_2.jpg Andalousie_3.jpg Malaga depuis le terrasse de notre chambre Malaga_depuis_notre_terrasse.jpg Malaga_by_night.jpg

Dernier point GPS avant de rentrer sur Paris Dernier_point_GPS.jpg

SABELAURE va rester à Cadix pendant un mois, à 4 places du bateau de Manuel. Je vais le retrouver le 21 mai. Sauf imprévu mon vieux pote Bob (Jean Michel) sera avec moi pour passer Gibraltar, et remonter jusqu'au Cabo de la Nao (entre Alicante et Valence) ensuite nous aviserons. Soit continuer à longer la côte pour remonter sur Marseille, Cassis, Porquerolles puis aller en Corse, soit passer par les Baléares pour rejoindre la Sardaigne directement.

Pendant ce temps là, je savoure le plaisir de retrouver ceux que j'aime et lire les messages de sympathie de ceux que je n'aurais pas le temps de voir avant de repartir. Encore abasourdi après ces deux mois, j'apprécie le chemin parcouru depuis mes premiers bords aux Glénans. Je mesure aussi le gouffre qui me sépare des grands navigateurs à voile ou des marins professionnels, pêcheurs ou commandants de cargos pour qui notre périple n'est qu'une promenade de santé. Je ne suis plus tout a fait un plaisancier, tel qu'on l'entend aujourd'hui, mais je pense que je ne serais jamais un vrai marin: "la mer est dure". Pas grave, je suis content quand même, j'ai touché du bout de l'ongle de l'auriculaire la substance des récits des grands navigateurs; respect messieurs!

Un immense merci à toi Laurent. Sans toi je n'aurais pas pu vivre tout ça. Mon bateau ne serait probablement pas à Cadix, je n'aurais pas fait connaissance avec lui à ce point, serais encore tourmenté par 4 tonnes de doutes sur mes compétences et mes limites et n'aurais pas la tête et le coeur comblés de souvenirs heureux au point d'occultés les moments difficiles. Nous venons de faire 1634 milles ensemble, quand tu veux pour en aligner d'autres!

Pour les mois qui viennent la priorité sera: Pas de bords de près serré, pas plus de 3 à 4 beaufort et pas de pluie. Vive la vraie plaisance!

SABELAURE, dit Joly Jumper: Un super bateau, véloce dans le petit temps, loyal, costaud et facile dans le dur, et en plus il est beau! Sabelaure_a_Cadix.jpg